Avec tout ce temps passé aux Canaries, côtoyant régulièrement les étendues couvertes des majestueuses palmes vertes découpées par l’alizé, il était fortement probable qu’un jour ou l’autre nous nous approcherions et poserions un regard différent sur ce fruit familier qui occupe nos corbeilles toute l’année : la banane.
C’est un « grain de Syl » spécialement dédié à cette curiosité naturelle que propose aujourd’hui le blog de Ciao.
LA FLEUR DU BANANIER
De toutes les fleurs des Canaries, la fleur du bananier est incontestablement la plus imposante. Une visite au « musée de la banane » et plusieurs ballades dans les bananeraies nous ont familiarisés avec le surprenant processus de développement de ce fruit, pourtant devenu si banal.
Un peu d’histoire : Le bananier est originaire de Birmanie, Thaïlande, Sri Lanka, Philippines, Inde, sud de la Chine. De là, il aurait gagné l’Afrique dès les premiers millénaires par les Indo-malais.
C’est de Guinée équatoriale qu’il sera conduit aux iles Canaries par les Portugais. Puis, il sera ensuite exporté par les Espagnols jusqu’aux Antilles et en Amérique du sud aux alentours du XVI siècle.
Petite leçon de botanique :
De la famille des Musacées, le bananier n’est pas un arbre, mais une herbe géante. Selon le pays et l’humidité qu’il reçoit, il mesure entre 3 et 8 mètres de haut. C’est en fait la plus grande herbe du monde ! En s’enroulant les unes autour des autres, les feuilles donnent naissance à un « pseudo-tronc » qui ressemble aux troncs des arbres mais ne contient pas de bois. Sa rigidité est assurée par la turgescence des tissus.
Chaque bananier ne produit qu’un seul régime. Il faut compter une année entre le moment du rejet de la nouvelle plante, la croissance des feuilles, l’apparition de la fleur, et la transformation de celle-ci en un régime de bananes. Compte tenu qu’il n’y a pas de véritable saison, on trouve des bananeraies à différents stades de développement, assurant ainsi une production de bananes toute l’année.
Le bananier est une plante étrange qui se succède à elle-même. Lorsqu’on récolte son régime, le pied-mère meurt. (On sectionne alors le pseudo tronc). Mais avant la récolte, il a émis des ramifications latérales qui vont lui succéder. Chaque rejet peut donner un plant de bananier qui peut succéder au pied mère sur la même souche, assurant ainsi la pérennité du bananier, ou être détaché pour être planté et cultivé ailleurs.
Dans les bananeraies, chaque « pied » se présente par groupe de 3 : la plante adulte, le pseudo-tronc de l’ancienne plante coupé, et le rejet, prêt à prendre la relève.
Partant du bulbe souterrain (ou rhizome), les feuilles se développent une à une en s’enroulant les unes aux autres, jusqu’à former le futur bananier. Chaque nouvelle feuille est émise et passe au centre du « pseudo tronc ». Elle est enroulée comme un cigare et ne pourra se déployer que lorsqu’elle sera entièrement dégagée.
Après avoir produit une trentaine de feuilles, le méristème terminal voit sa fonction se modifier : c’est l’induction florale. La tige devient tige florale et se met à croître au centre du pseudo-tronc, poussant à son extrémité l’inflorescence (la hampe florale) qui se développe, grossit et finit par émerger au sommet de la plante. Chez la plupart des variétés à fruits comestibles, l’inflorescence se recourbe vers le sol et pend verticalement.
Proportionnellement au bananier, qui mesure ici 2m50 à 3 m, l’inflorescence parait exagérément grande (jusqu’à 50 cm). Elle est constituée de « bractées », de couleur violacées, formant comme un gros bourgeon. Celui-ci est hermaphrodite : il contient des bractées femelles (dans sa partie supérieure) et mâles (partie terminale du bourgeon).
Une par une, chaque bractée femelle s’enroule, laissant apparaitre un groupe de fleurs placées en deux rangées serrées, appelées « mains ». Alors que les styles et stigmates des fleurs se dessèchent, l’ovaire, lui, se développe et devient fruit, appelé « doigt ».
Comme pour l’ananas, la fleur du bananier n’a pas besoin d’être fécondée pour se transformer en fruit (parthénocarpie). Ainsi, toutes les petites fleurs des bractées « femelles » deviendront des bananes.
Pendant que le bourgeon continue sa croissance, que d’autres bractées s’enroulent pour révéler une autre « main », les « doigts » des premières bractées se recourbent à la recherche du soleil, prenant ainsi la forme des futures bananes.
Après avoir enroulé plusieurs bractées femelles, jusqu’à constituer ainsi le futur régime, le bourgeon continue sa progression, mais les bractées suivantes découvrent des fleurs mâles, qui ne se transformeront donc pas en fruits. Les fleurs se fanent et tombent.
On peut alors couper la partie terminale du bourgeon (puisqu’elle ne produit plus de fleurs femelles), afin de favoriser la maturation du régime.
Une inflorescence développe entre 5 et 15 « mains » fructifères. Chaque « main » comporte entre 10 et 25 « doigts ». Selon les variétés, le climat, le sol et la quantité d’eau apportée, un régime peut contenir de 200 à 300 bananes et peser 30 kg ! (essentiellement sous climat tropical). Aux Canaries, les bananeraies produisent une variété de petites bananes, très appréciées pour leur teneur en sucres.
La récolte doit se faire avant la maturité. Pour cela, on coupe à la machette le régime complet. Il faut choisir le bon moment pour couper le régime, afin que la transformation de l’amidon en sucres dans les bananes évolue sans éclatement du fruit. Ainsi, le régime sera coupé encore vert, et suspendu.
Après la coupe du régime, le pseudo tronc est également coupé à sa base mais la plante ne meurt pas puisque un ou plusieurs rejets latéraux prennent alors le relai pour un nouveau cycle.
A bientôt, et vraisemblablement sur le thème des préparatifs à la traversée océanique !