Bonjour les lecteurs du blog de Ciao ! Il est grand temps de donner quelques nouvelles.
Je constate que plus le voyage s’avance, et moins j’en raconte…
Les moustiques véhiculeraient-ils, en plus du Zika et autres cadeaux empoisonnés, une sorte de nonchalance et de laisser-aller « couleurs locales » ?
C’est possible !
Allez ! Je me reprends en mains.
Nous avons passé pas mal de temps aux Saintes à laisser couler les jours, puis sur l’île principale de la Guadeloupe, dont nous avons fait le tour complet, agrémentant nos escales de petites visites et ballades à terre.
Là, il aurait presque fallu écrire chaque semaine, car chaque escale recelait son lot de découvertes, de curiosités mais quelque chose a manqué ; le temps, l’inspiration, le recul par rapport aux différents vécus qui se sont enchaînés rapidement...
Quelques petites perles :
Après la Guadeloupe, nous sommes repassés par Les Saintes pour profiter encore un peu de ce havre de paix et des dernières semaines de la belle saison.
Aux Antilles, il n’y a pas d’hiver, il fait toujours chaud, autour de 30 degrés. La belle saison dite « sèche », la plus touristique, s’étale entre les mois de Décembre et Mai.
Fin Mai, progressivement, les hôtels, les résidences et les rues se vident, et on bascule en basse saison.
D’ailleurs en Juin, nombre de commerçants ferment boutique et prennent leurs vacances annuelles.
C’est la saison « humide » qui démarre doucement mais sûrement.
Les épisodes pluvieux deviennent plus fréquents, quelques orages éclatent, et surtout à partir de Juin on entre dans la saison à risque cyclonique.
Le risque cyclonique est une caractéristique majeure à prendre en compte dans la région, eu égard à la violence des phénomènes.
Pour comprendre en quelques mots, le développement des cyclones est dû au fait que la température de l’océan tout entier se réchauffe avec les mois d’été. Les phénomènes d’évaporation s’intensifient, des systèmes dépressionnaires (dépressions tropicales) prennent naissance entre l’Afrique et les Antilles, se déplacent vers l’Ouest, traversent la zone où nous sommes et remontent en direction de l’Amérique centrale ou du Nord.
Chaque système dépressionnaire qui s’amorce ne dégénère pas systématiquement en cyclone.
Mais déjà en soi, ce que l’on appelle une dépression tropicale est comparable à un coup de vent de la saison hivernale, chez nous en France, avec des vents jusqu’à 35 Nœuds, la chaleur et de fortes pluies tièdes en lot de consolation.
Lorsque la dépression tropicale s’intensifie, elle est classée « tempête tropicale », en fonction des vents qu’elle génère (de 35 à 65 Nœuds). Plus violentes, les tempêtes tropicales sont alors baptisées d’un prénom, elles sont répertoriées.
Si la tempête tropicale s’intensifie encore, nous avons affaire à un cyclone. Les cyclones sont classés en 5 catégories suivant leur force. Les vents d’un cyclone sont particulièrement destructeurs (ils peuvent dépasser les 150 Nœuds - 300 km/h).
Quelque soit leur catégorie, être sur la trajectoire d’un cyclone avec un bateau serait catastrophique ; déjà au stade d’une tempête tropicale, la situation serait préoccupante.
Alors pour se préparer aux passages de ces « machines à tout casser », ou éventuellement les esquiver quand on peut se déplacer, il y a les statistiques des services météo spéciaux, qui repèrent et analysent les trajectoires des tempêtes et cyclones depuis plus d’un siècle.
Dès qu’un nouveau système est en cours de formation, il est tracé en permanence et sa trajectoire prévisible (avec les marges d’incertitudes) est diffusée sur les cartes visibles sur internet.
Il est possible de savoir 2 à 3 jours avant à quelle sauce on risque d’être mangé, et de réagir en conséquence.
On remarque immédiatement qu’il vaut mieux être au sud de la zone qu’en plein milieu du passage !
Voilà pourquoi, nous nous sommes décidés à voguer vers le bas.
La période la plus critique se situe entre Août et Octobre.
Toujours selon les statistiques, on peut s’attendre à voir passer dans la région au cours de la saison 2016 entre 10 et 16 systèmes potentiellement dangereux. Parmi eux 4 à 6 seraient des tempêtes tropicales, et 1 ou 2 d’entre eux des cyclones majeurs.
Les stratégies sont différentes pour les uns et les autres.
Certains bateaux sont restés par exemple en Martinique, au port ou au mouillage du marin, enclave naturelle relativement protégée, mais en espérant néanmoins ne pas être concernés par un passage trop aigu.
Il y a entre 1000 et 1500 bateaux dans cette zone ; c’est impressionnant et on se demande bien quelle danse ils feraient si le plan d’eau s’animait outre mesure.
Beaucoup d’équipages prennent le choix de descendre vers le sud. Une grande majorité stationne à Grenade, avec les mêmes problèmes de promiscuité, mais avec potentiellement moins de risque qu’en Martinique.
D’autres vont et viennent entre les îles en restant sur le qui-vive, et se déplacent à l’annonce d’une trajectoire menaçante.
L’idéal pour être vraiment à l’abri des trajectoires de ces bolides serait de descendre jusqu’au Venezuela, mais aujourd’hui les conditions de sécurité ne sont pas réunies et le risque de piraterie semble bien supérieur au risque cyclonique…
Alors compte tenu de tout ce qui précède, nous avons opté pour descendre visiter les îles du sud, l’archipel des Grenadines, puis Tobago (tout en bas à droite) pour le cœur de la saison.
Fin Mai, en quittant les Saintes, nous sommes allés directement en Martinique ; une navigation d’une vingtaine d’heures.
Pour l’occasion, et c’est suffisamment rare pour le signaler, nous naviguions de concert avec un autre voilier rondement mené par Yves, Pati, et leur fils Julien.
Un sympathique bord à bord maintenu quasiment d’un bout à l’autre.
Le temps que les choses s’installent, et ce fut comme une danse de voiliers, dans la lumière du couchant. De très belles images d’AGUR ont été prises par Julien, alors que de mon côté je filmais l’autre bateau « ARGO IV ».
La mise en commun de nos prises de vue m’a permis de réaliser ce petit film (son et plein écran recommandés) :
Quelques jours après notre arrivée en Martinique, un minuscule indésirable s’est invité à bord.
C’est « Le Zika » dont on entend parler partout.
Il existe bel et bien !
C’est Syl, qui l’a hébergé personnellement environ cinq jours.
Couverte de petits boutons rouges, un peu patraque, ressentant des fourmillements dans les mains et dans les pieds, pestant contre des douleurs articulaires un peu partout, elle a fini par éradiquer l’intrus sans complication ni traitement.
Je savais qu’il n’aurait pas le dessus !
Et tant mieux ! Mais un moment, parait-il, pas très agréable…
Nous sommes restés assez peu de temps en Martinique. Cette île fera l’objet de toute notre attention à la saison prochaine.
La Martinique, c’est l’île aux fleurs, la bien-nommée et nous avons quand même pris le temps de visiter les jardins de Balata. Une féérie !
Après ravitaillement en eau, Gasoil, et un minimum de vivres en conserves, nous sommes descendus doucement, gardant un œil sur internet, et prenant le temps de visiter le chapelet d’îles qui constituent les Grenadines.
Aux Grenadines c’est un festival de bleus, un ravissement de plages à n’en plus finir. Les clichés de cartes postales s’enchaînent.
Jusqu’à présent, nous avons successivement fait escale à Béquia, Canouan, aux Tobago Cays, et à Mayreau.
La nature est belle c’est certain.
Sur internet on en voit de nombreuses images aériennes dignes de posters ou de fonds d’écran, montrant la surface de l’océan d’un bleu profond parsemée de protubérances vertes cernées de bleu turquoise.
Plages de sable blanc, cocotiers, barrières de corail, tout y est…
Clichés de rêve comme l’on dit.
Revers de la médaille : durant ces dernières décennies des voyageurs de toutes origines en ont été éblouis, et l’ont vraisemblablement fait savoir ; dans le même temps, des investisseurs ayant flairé le filon, ont rivalisé d’audace construisant des complexes touristiques luxueux aux meilleurs endroits sur les îles habitées.
Des petits aéroports ont été aménagés et permettent à une clientèle plutôt aisée de rejoindre
ces petits paradis en empruntant des vols inter-îles.
Les voyageurs en voilier (dont nous contribuons à grossir le flot), sont nombreux. Des sociétés de location de bateaux très efficaces, renforcent encore leur nombre.
Bref la manne touristique est là, maintenant bien implantée, et elle régit à peu près tout, comme partout…
Nous trouvons que la beauté naturelle est un peu moins belle lorsqu’elle est trop commercialisée.
Heureusement nous sommes actuellement en période creuse, très creuse. Nous sommes étonnés d’être parfois seuls dans un mouillage, ou au tout au plus avec deux ou trois voisins.
Les plages semblent nous appartenir.
Les structures touristiques sont fermées, nous disposons librement des paillotes en bord de mer, ou des tables de pique-nique.
Cette ambiance « hors saison » permet de découvrir la population dans des caractéristiques proches de ce qu’elle devait être avant le rush touristique.
L’accueil est souvent chaleureux, aimable, avenant, voire parfois spontanément amical.
Nombreux sont ceux qui viennent vers nous et engagent la conversation, ou s’enquièrent de ce que nous semblons rechercher.
Dans ces îles anglophones, nous sommes malheureusement confrontés à la barrière linguistique. Nous échangeons sur l’essentiel, mais pouvons difficilement approfondir.
C’est frustrant tant il nous semble que ces gens en auraient à raconter...
Nous faisons facilement la distinction entre ceux qui nous proposent quelque chose à vendre (poisson, gâteau, glace, eau, gasoil etc…) et les autres qui s’intéressent et cherchent uniquement un moment d’échange et de partage.
Les villages sont surprenants. A Canouan ou à Mayreau, les voies de communication sont partiellement terminées, des pistes en terre battue sillonnent un habitat assez dispersé, en tous cas pas très ordonné.
D’assez nombreuses cases en planches côtoient des toutes petites constructions en dur plus ou moins finalisées.
Autour des maisons, des cabris broutent les brindilles.
D’innombrables détritus (bouteilles plastiques) sont enchevêtrés dans la végétation et ne semblent gêner personne. Le vent les y a mis, c’est sûrement au vent de les enlever…
A Béquia, plus touristique, le site est curieusement divisé en deux parties.
Les villas et établissements de luxe, où tout est impeccable, trônent d’un côté de la baie ; des cases en bois plus ou moins peintes, couvertes de tôles ondulées sont éparpillées parmi les terrains vagues sur la colline d’en face.
La ville de Port Elisabeth fait un trait d’union entre les deux mondes.
Dans chaque localité de belles maisons, encore assez rares, sortent du lot. Elles ont des allures de grandes et jolies villas pimpantes.
Il nous semble, à ce stade de notre découverte, que chacun ici essaye, avec plus ou moins de talent et d’efficacité, de capter l’argent du tourisme, délaissant peut-être les moyens de subsistance ancestraux comme la pêche, les cultures, l'élevage…
Depuis une semaine l’ancre d’Agur est solidement accrochée dans une baie abritée de la petite île de Mayreau (2 kilomètres sur 1). L’endroit est paisible, le mouillage confortable malgré un vent assez soutenu dans cette période.
Nous avons arpenté le seul village, 250 habitants.
C’est très rural.
Il n’y a pas de source sur l’île, donc pas de réseau d’eau courante. Les besoins de la population sont assurés par la récupération des eaux pluviales. Chaque maison a sa citerne. Le village dispose de citernes à usage collectif.
L’électricité n’y est installée que depuis 2003 ; elle est fournie par 4 gros groupes électrogènes qui tournent jour et nuit.
Le réseau téléphonique fonctionne, nous avons accès à internet mais à condition de prendre son temps.
Après quelques jours, nous connaissons par cœur les maigres rayons de l’unique épicerie (qui est plus petite qu’une épicerie de camping), et malgré notre bonne volonté nous en ressortons généralement avec le sac à dos assez léger.
Les quelques réserves du bord sont largement sollicitées, et nous espérons que l’on puisse les reconstituer à la prochaine escale
Pour améliorer l’ordinaire, nous ne dirons pas que nous avons pêché une petite carangue, car nous ne savons pas si nous sommes ici dans une réserve de pêche…
Et comme tout le monde, nous passons notre temps à récupérer, filtrer, traiter l’eau de pluie à destination des douches ou de notre consommation d’eau potable.
Nous continuerons dans les prochains jours notre progression vers le sud, vers Union Island, Cariacou, Grenade.
Je note de ne pas oublier d’écrire dans le blog !
A une prochaine cession…
Bonnes vacances à tous !