Nous en sommes au dixième...
Dixième jour certes, mais en sommes-nous seulement au dixième de nos peines ? A savoir si là aussi il n'y aura pas prolongation... Ce n'est pas entrer en confinement qui est difficile, c'est y rester suffisamment bien et longtemps, puis ensuite savoir en sortir...
Nous avons parait-il l'intelligence artificielle, la fameuse IA, meilleure que le meilleur des humains et qui sait gagner à coup sûr contre lui 100% des parties d'échec, ou de jeu de Go. Pourquoi ne planche-t-elle pas sur le problème numéro 1 du moment ?
Quelle stratégie logique à adopter pour sortir vainqueurs de ce jeu de massacre ?
Il y a 8 milliards de pions visibles sur un plateau sphérique bleu et des minuscules adversaires bien plus nombreux et invisibles. Mais ce sont des adversaires sans stratégie, qui ne font que se multiplier, se transmettre et détruire au hasard un pourcentage connu parmi les 8 milliards de pions. Facile pour l'IA non ?
Partout les hommes courent, colmatent les brèches à mesure qu'elles apparaissent, mais ne parviennent pas à avoir le recul nécessaire pour des actions concertées ; en ont-ils les moyens ?
A l'heure où un tiers de l'humanité se terre, et où le reste retarde le moment de le faire, à l'heure ou chaque pays fait, juste après un autre, les mêmes erreurs, à l'heure ou certains tentent des stratégies originales pour finalement les abandonner, pourquoi l'IA ne planche-t-elle pas ?
Ou plutôt pourquoi n'en parle-t-on pas ?
Le monde est entre les deux mâchoires d'un étau qui se resserre. L'une est la crise sanitaire, l'autre, la crise économique. Ce qu'il y a au milieu ne semble pas plus solide qu'une coquille de noix dont on entend déjà quelques craquements.
J'ai bien peur que l'IA serait amenée à conclure que le fond du problème ne vient pas du virus...
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Janvier 2016 - sur le voilier en transatlantique - Jour 10 -
La nuit n'est pas si mauvaise finalement. Pendant quelques heures le vent reste soutenu mais tout à fait gérable, puis l'un après l'autre, au fil de votre veille, nous notons une baisse d'intensité.
Il faudrait renvoyer de la toile, la réduction de voiles faite hier soir n'est plus justifiée, mais dans la mesure où les manœuvres de nuit sont plus périlleuses, nous attendons que le jour se lève pour agir.
Agur a sérieusement ralenti, il plafonne à 5.5 Nœuds, il faut arranger ça ! La grand-voile reprend toute sa surface. Au dessus de 6 nœuds c'est mieux !
Par ce temps de demoiselle, Agur se gère seul, sous pilote.
La vie à bord se préoccupe à peine des vagues et du vent. Tout roule, en détente et décontraction.
Nous sommes tentés de rafraîchir les données météo, mais nous avons déjà consommé pratiquement la moitié de notre forfait de communication de 30 minutes. Il n'y a pas d'observation inquiétante, au contraire, le temps semble serein, le vent est modéré et constant. Nous reportons la vérification à demain.
J'observe que les algues sont un peu moins présentes, et en qualité de pêcheur du dimanche, sans trop de conviction je mets une ligne à l'eau.
Syl lit, et moi j’écris une quantité de choses relatives à mon vécu de la veille.
Nous partageons aussi beaucoup nos points de vue, nos perceptions.
J'ai intégré hier que l'on peut être prisonnier d'un rêve, même d'un rêve de liberté...
Tant qu'il n'est pas réalisé, il est idéalisé, il focalise l'attention vers l'avenir et la détourne du présent.
La réciproque est vraie.
Une fois la sensation acquise de la réalisation du rêve et de ce que l'on est venu y chercher, on se sent délivré. C'est en tous cas l'enseignement que j'en tire.
Délivré et totalement disponible au présent. Enfin !
Un emballement du moulinet de la ligne de pêche me sort de ma réflexion.
Ce zzzzzzzz vigoureux m'appelle à l'arrière du bateau et la résistance dans la ligne me donne l'impression que l'on vient d'accrocher un sous-marin.
J'y vais doucement, ce n'est pas la première fois que la ligne se casse. Pêcheur du dimanche je disais !
Il y a au moins 80m de fil à l'eau, je remonte doucement jusqu'à distinguer dans la transparence de surface une tâche d'un jaune doré qui miroite au soleil. Il y a une grosse prise en perspective.
Mètre après mètre elle se rapproche et se révèle ; une jolie dorade coryphène vient de bondir hors de l'eau.
L'épuisette est prête. Il y a de belles darnes en perspective !
La vue du bateau semble impressionner cette dorade qui n'est pas tentée par un quelconque confinement ! A mesure qu'elle se rapproche, les cabrioles hors de l'eau se font de plus en plus énergiques.
A 10 mètres de nous, dans un ultime salto de la demoiselle, la tension dans la ligne retombe à zéro. Décrochée ! Ah Non ! Bah si !
Voilà ce que nous avons manqué : celle-ci (4 kg) avait été prise dans la traversée entre les Canaries et le Cap vert.
Par dépit la ligne de pêche regagne son rangement dans un coffre. S'il fallait compter sur la pêche pour notre survie, il y aurait quelques progrès à faire.
16.08 N - 49.10 W
Par le téléphone satellite, nous envoyons un court message de type sms aux enfants pour leur indiquer que nous sommes bien avancés dans notre parcours, et que tout va bien.
Les températures sont plus chaudes. Les shorts apparaissent, les polaires disparaissent.
Nous sentons l'objectif s'approcher, le filet à fruits s'allège.
Nous avons souvent une pensée pour les marins d'antan, les vrais aventuriers avec en tête de file Christophe Colomb, qui suivait son intuition tout en ne sachant pas exactement vers quoi il allait ; sans carte, sans gps, sans prévision météo, et parti, à son insu, en pleine saison cyclonique vaguement vers l'Ouest pour rejoindre les Indes... Quel talent !
Allez si tout continue comme ça : arrivée en Guadeloupe dans 5 jours.
Bon dixième quart ! Nous sommes aux deux tiers, il n'y a plus qu'à prendre un demi bien frais, une photo en une fraction de seconde et ...
Bonne nuit ! A demain
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