Chaque année au printemps, il y a un rituel dans le milieu de la navigation qui consiste, (après avoir gravi ligne par ligne la liste d’attente de plusieurs semaines en cette saison) à venir placer son bateau sous l’engin de levage du port, à serrer les fesses pendant que le dit engin suspend le bateau à quelques mètres de la surface de l’eau, puis dans une effluve de gas-oil mal brûlé, le déplace au dessus du parking avant de le déposer, en principe, délicatement sur un système de calage.
Juste après cette chorégraphie, il est de bon usage de s’agiter de longues heures sous la coque du bateau, avec karchers, brosses et grattoirs pour débarrasser la surface, qui était sous le niveau de flottaison, des algues et petits coquillages qui se sont fixés consciencieusement un peu partout et surtout aux endroits les moins accessibles…
Viennent ensuite les généreuses offrandes aux enseignes commerciales affûtées qui délivrent, outre scotch et petits mastics spéciaux qui coûtent leur pesant d’or, un précieux produit nommé « anti-fouling », dans lequel les rouleaux à peinture devront se précipiter pour redonner à la coque une allure bien fringante. Durant cette délicate opération l’humanus-plaisancius veillera à minimiser en même temps, le nombre de gouttes de produit gaspillées en voulant aller trop vite, et le nombre d’heures passées à terre à un tarif qui a été calculé pour l’inciter à laisser la place aux suivants… Dur combat.
La clôture du ballet est matérialisée par le deuxième envol du bateau qui rejoindra son élément naturel, et par un passage de son propriétaire au bureau du chantier pour troquer un chèque contre une superbe facture ; document qui renforcera l’heureux lauréat dans le sentiment que dans ce milieu tout est bien organisé pour éviter qu’il ne s’enrichisse trop…
Ce cérémonial s’appelle « le carénage ».
Incontournable, sous peine de voir une barbe verte pousser tout le tour du bateau et onduler dans les flots comme un pagne autour des hanches d’une tahitienne… Sous peine aussi de cultiver des moules et toutes autres bestioles à coquilles, qui transforment la surface de glisse de la coque en une râpe géante qui ne glisse plus du tout…
Pas le choix donc…
Cette année, sachant que Ciao, avec ses 6 mètres de large, est trop imposant pour passer entre les sangles du travel-lift du chantier de plaisance de Hendaye, il faudrait avoir recours à l’engin beaucoup plus conséquent du quai de pêche…
D’une capacité de 200 Tonnes, celui-ci devrait réussir à lever les 4 tonnes de Ciao sans faire trop d’efforts, et sans trop solliciter la mécanique… Néanmoins le tarif horaire du fonctionnement du monstre est en rapport des 200 Tonnes… Je comprends que ce soit dans une certaine logique, mais il se trouve que ce n’est pas forcément celle qui m’arrange le plus…
Alors, il reste une autre solution évidente pour avoir le bateau posé à terre sans avoir à le soulever : vider l’eau de la mer…
J’ai demandé à la Lu-u-ne, et le grutier ne le sait pas…
Elle m’a dit « j’ai bien l’habitu-u-de de m’occuper des cas comme ça… »
Et voilà :
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